Programme : Biographie expresse - par Yves Krier

1. Biographie expresse

Olivier Messiaen est né le 10 décembre 1908, à Avignon. Son père, Pierre Messiaen, professeur d’anglais, a été un remarquable traducteur des oeuvres de Shakespeare, et sa mère était Cécile Sauvage, poétesse qui écrivit le recueil L’âme en bourgeon (qui évoque la maternité), précisément en attendant la naissance du futur musicien.

Cette naissance en Avignon était le fruit du « hasard » des mutations du père ; les dix premières années de la vie d’Olivier Messiaen furent plutôt nomades, puisque la famille se retrouve d’abord à Ambert, puis à Grenoble pendant les années de guerre. C’est d’ailleurs le Dauphiné et ses paysages somptueux et terribles que le compositeur considère comme sa « patrie ». Après un séjour court (mais important pour ses études musicales) à Nantes en 1918, la famille s’installe à Paris en 1919, ce qui permet au tout jeune Messiaen d’entrer au Conservatoire, où il fait des études complètes jusqu’en 1930.

Dès 1931, il est nommé organiste titulaire à l’église de la Trinité, et c’est alors le plus jeune organiste professionnel de France. Il ne quittera pas ce poste avant sa mort.

En 1932, il se marie avec Claire Delbos, violoniste virtuose pour laquelle il compose cette même année un Thème et Variations (pour violon et piano), et un peu plus tard (en 1936) les Poèmes pour Mi [1]. De cette union naîtra leur fils Pascal en 1937.

Le jeune Olivier Messiaen, particulièrement doué et précoce (et fort bien entouré de parents cultivés et créatifs !) avait commencé à composer dès l’enfance puis à l’adolescence. Ses dons étaient également vifs pour l’improvisation, et il semble que ce soient plutôt ceux-ci que sa foi qui l’aient poussé à entreprendre des études d’orgue dans la classe de Marcel Dupré (dans laquelle il croisera entre autre Gaston Litaize et le breton Jean Langlais). Assez logiquement, plusieurs des oeuvres connues, parmi celles qu’il écrivit entre 20 et 25 ans, sont écrites pour l’orgue (Le Banquet Céleste (1928), Diptyque (1930), Apparition de l’Eglise éternelle [2] (1932) ), mais le jeune compositeur compte aussi alors plusieurs oeuvres d’orchestre, dont Les Offrandes oubliées (1930) eut l’honneur d’une première au Théâtre des Champs Elysées.

1936 est l’année de la constitution du Groupe Jeune France, avec les compositeurs Yves Baudrier, Daniel-Lesur et André Jolivet[3].

La mauvaise vue d’Olivier Messiaen lui évite d’être mobilisé dans les unités combattantes, mais non la mobilisation elle-même. Fait prisonnier après la débâcle de Verdun, il passe un an en captivité en Silésie. C’est là qu’il écrit sa pièce maîtresse de musique de chambre, le Quatuor pour la fin du temps[4], qui fut créé avec d’autres prisonniers musiciens (dont Etienne Pasquier), au stalag même.

Libéré au printemps 1941, il est immédiatement recruté par le Conservatoire de Paris, inaugurant un sacerdoce de 37 ans, durant lesquels presque tout ce qui comptera dans la création musicale de la deuxième moitié du XXè siècle viendra écouter des cours d’analyse (de toutes les musiques) comme la vénérable maison n’en avait jamais eu... C’est également durant la guerre que Messiaen écrit son traité Techniques de mon langage musical. Avec le recul, ce « culot » d’un compositeur de 34 ans ne peut que laisser admiratif sur l’assurance tranquille de ce créateur hors normes.

Les années 46-48 sont celles de la composition de l’immense Turangalîlâ-Symphonie, les années 49-52 celles où la jeune génération des Boulez et Stockhausen va en même temps savoir prendre chez le Maître la substantifique moelle de son savoir, mais aussi le « remuer » et le faire évoluer fortement !

Les années 50 voient la création de la majeure partie des oeuvres « ornithologiques » (voir paragraphe 3c) et la première moitié des années 60 celle de grandes pages symphoniques où la synthèse des recherches précédentes va de pair avec une imagination toujours très active (Chronochromie, Sept Haï Kaï, Couleurs de la cité céleste).

Dans l’intervalle était advenue (en 1959) la mort de sa femme Claire, au terme d’une très longue et désastreuse maladie neurologique. En 1962, Olivier Messiaen se remarie avec Yvonne Loriod, pianiste remarquable qui a créé toutes les oeuvres pour cet instrument du Maître.

Les années 1965 à 1983 voient Olivier Messiaen se consacrer essentiellement à des oeuvres monumentales, tant en durée qu’en effectif : La Transfiguration de Notre-Seigneur Jésus-Christ (pour plus d’une centaine d’instrumentistes et au moins autant de choristes, plus 7 solistes, 1965-69), Des Canyons aux Etoiles (pour piano et grand orchestre, 1971-74) et bien sûr son gigantesque opéra Saint-François d’Assise, qui l’occupera entièrement de 1975 à 1983. Durant ces années se glissent néanmoins des pièces solistes comme les Méditations sur le Mystère de la Sainte Trinité pour orgue[5], et La Fauvette des Jardins pour piano, respectivement en 1969 et 1970.

Saint-François d’Assise est un tel travail, une telle débauche d’énergie et de créativité, sans compter les soucis liés à sa création, qu’Olivier Messiaen pense, non seulement qu’il ne composera plus rien, mais encore qu’il est au terme de sa vie.

Très vite cependant, sa vitalité reprend le dessus, et il entreprend en particulier son dernier grand chantier destiné à l’orgue, le Livre du Saint Sacrement. Il doit honorer également des commandes orchestrales, dont l’une, destinée à l’Ensemble Intercontemporain d’un de ses plus anciens et fidèles élèves, Pierre Boulez, lui pose de tels problèmes qu’il songe un moment à l’abandonner. Un vitrail et des oiseaux est finalement créé en novembre 1988.

De 1987 à 1991, Olivier Messiaen trouve la force de travailler à sa dernière oeuvre « monumentale », Eclairs sur l’Au-delà, pour grand orchestre (et qui dure plus d’une heure). Il n’entendra malheureusement pas la création de cette commande de Zubin Mehta, qui se fera en novembre 1992 : en effet, la santé du compositeur qui était restée fragile, en particulier en 1991, décline au début de l’année 1992. Après plusieurs interventions chirurgicales, Il quitte le séjour terrestre au soir du 27 avril.