Concert 6 : Les couleurs de l’orgue

Concert 6 : Les couleurs de l’orgue

31 août - Abbatiale Saint Melaine

Charles Tournemire (1870-1939). Improvisation sur le Victimae paschali

reconstituée par Maurice Duruflé

Olivier Messiaen (1908-1992). Diptyque

Marcel Dupré (1886-1971). Cortège et Litanie

Olivier Messiaen. Apparition de l’Eglise éternelle

Olivier Messiaen. L’Ascension

-Majesté du Christ demandant sa gloire à son père

-Alleluias sereins d’une âme qui désire le ciel

- Transports de joie d’une âme devant la gloire du Christ qui est la sienne

- Prière du Christ montant vers son père

François Espinasse, orgue


Concert 5 : Trajectoires

Concert 5 : Trajectoires

24 août – Cathédrale Saint Pierre

Daniel-Lesur (1908-2002). La Lettre (poème de Cécile Sauvage)

(extrait de Quatre Lieder)

Charles Tournemire (1870-1939). Fioretto n°2

Olivier Messiaen (1908-1992). Poèmes pour Mi

(textes d’Olivier Messiaen, instrumentation Yves Krier)

. Paysage

. Le Collier

. L’épouse

Olivier Messiaen. Quatuor pour la fin du temps.

. Liturgie de cristal

. Intermède

Olivier Messiaen. Méditations sur le Mystère de la Sainte Trinité

. Méditation 3 : La relation réelle en Dieu est réellement identique à l’essence

. Méditation 2 : La Sainteté de Jésus Christ

Olivier Messiaen. Pièce en trio (extraite du Livre d’orgue)

Pierre Boulez (1925). Domaines, pour clarinette solo. Livres A-B-C-D

Yves Krier (1956). Wip, wip, wip (Boulez n’en saura rien) pour 4 instruments.

Daniel-Lesur. Les mains jointes (poème de Henri Heine)

(extrait de Quatre Lieder)

Yves Krier, orgue

Marie-Dominique Pellet, soprano

Membres de l’Ensemble Ebruitez-Vous :

Gilles Gastou, clarinette

Pascal Jolivet, violon

Anne-Marie Vanheule, violoncelle


Concert 4 : Improvisations et poésie

Concert 4 : Improvisations et poésie

15 août – Abbatiale Saint Melaine

JOUR GRAND ORDINAIRE

poèmes de

GILLES BAUDRY

Orgue

Partie 1 Transmuer la Nuit / Prologue

Orgue

Partie 2 Mot de passe de l’Ange

Orgue

Partie 3 Magnificat / Feu de ma soif

Orgue

Partie 4 L’Etranger de l’Auberge

Orgue

Partie 5 Constellation à l’Heure médiane

Orgue

Partie 6 Lumière du Ressuscité

Orgue

Partie 7 Psalmiste / Du fond de ton absence

Orgue

Partie 8 Cantiques à Marie la Bleue

Orgue

Partie 9 Lorsque viendra la Nuit / Epilogue

Orgue

Philippe Bellanger, orgue

Antoine Juliens, récitant

Concert 3 : Musiques modales

Concert 3 : Musiques modales

10 août – Eglise Saint Germain

Hymne Te Deum

Charles Tournemire (1870-1939). Te Deum, improvisation reconstituée par M. Duruflé

Charles Tournemire. L’Orgue Mystique, Office de l’Assomption - Prélude à l’introït

Introït Gaudeamus

Charles Tournemire. L’Orgue Mystique, XIIè Dimanche après la Pentecôte

Offertoire Precatus est Moyses. Chant grégorien puis orgue

Communion De fructu operum. Chant grégorien puis orgue

Jean Langlais. Hommage à Frescobaldi (1951)

¨ Prélude au Kyrie

Kyrie Cunctipotens

¨ Communion

Hymne Sacris Solemniis

Jean Langlais. Te Deum (1934)

* * *

Offertoire de l’Epiphanie Regis Tharsis

Olivier Messiaen (1908-1992). Méditations sur le Mystère de la Sainte Trinité

« Et le Verbe était la Lumière »

Salve Regina (ton solennel)

Olivier Messiaen. Subtilité des corps glorieux

« Leur corps, semé corps animal, ressuscitera corps spirituel. Et ils seront purs comme les anges de Dieu dans le ciel. » (1 Co 15, 44 ; Mt 22, 30)

Olivier Messiaen. La Nativité (1935)

Introït Puer natus est

¨ Desseins éternels

¨ Dieu parmi nous

Susan Landale, orgue

Camerata Ste Anne, direction Véronique Le Guen


Concert 2 : Les Héritiers

Concert 2 : Les Héritiers

3 août – Eglise Sainte Jeanne d’Arc

Olivier Messiaen. Quatuor pour la fin du temps :

Abîme des oiseaux (clarinette)

Jean-Pierre Leguay. Prélude VIII. Spicilège XVII (orgue)

Olivier Messiaen. Quatuor pour la fin du temps

Louanges à l'éternité de Jésus (violoncelle, piano)

Jacques Lenot. Livre des Dédicaces n° 1 et 8 (orgue)

Iannis Xenakis. Charisma (clarinette, violoncelle)

George Benjamin. Meditation on Haydn's name (piano)

George Benjamin. Relativity rag (piano)

Olivier Messiaen. Verset pour la fête de la Dédicace (orgue)

Karlheinz Stockhausen. Tierkreis (saxophone, violoncelle, piano)

Jean-Baptiste Robin. Crépusculaire (extrait des Trois éléments d'un songe)

Florence Rousseau, orgue

Membres de l’ensemble Chrysalide :

Baptiste Boiron, clarinette et saxophone

Benjamin Boiron, violoncelle

Melaine Dalibert, piano


Concert 1 : Les contemporains

Concert 1 : Les contemporains

27 juillet – Cathédrale Saint Pierre

Jehan ALAIN (1911-1940) : Trois Mouvements, pour Flûte et Orgue

I. Andante

II. Allegro con grazia

III. Allegro vivace

André JOLIVET (1905-1974) : Ascèse n°1, pour flûte seule

Pour que demeure le secret

Nous tairons jusqu’au silence (Max-Pol Fouchet)

Olivier MESSIAEN (1908-1992) : La Nativité : Les Enfants de Dieu, pour orgue

André JOLIVET : Ascèse n°3, pour flûte seule

Matière, triple abîme des étoiles, des atomes et des générations (P. Teilhard de Chardin)

Olivier MESSIAEN : Force et Agilité des Corps Glorieux, pour orgue

André JOLIVET : Ascèse n°4, pour flûte seule

Le dieu a créé les rêves pour indiquer la route au dormeur dont les yeux sont dans l’obscurité (Papyrus Insinger)

Jehan ALAIN : Aria (adaptation pour flûte et orgue d’Olivier Alain)

André JOLIVET : Ascèse n°5, pour flûte seule

O femme qui ne sais que tu portais en toi le monde (Max-Pol Fouchet)

Jehan ALAIN : 1ère Fantaisie, pour orgue

Charles KOECHLIN (1867-1951) : Chants de Nectaire, pour flûte seule :
- Le bruissement du vent
- La mer, aux bruits innombrables
- Les oiseaux sont ivres

Daniel ROTH (né en 1942) : Aïn Karim, fantaisie pour flûte et orgue


Mathilde Le Tac, flûte - Mathieu Freyburger, orgue

Programme : Conclusion - par Yves Krier

Peut-on vraiment conclure, devant la richesse d’une oeuvre que nous avons déjà eu l’outrecuidance de présenter en quelques pages ?

Doit-on vraiment conclure, puisque ces pages ont eu l’ambition de vous préparer, auditeur, de vous envelopper d’une meilleure connaissance du compositeur centenaire ?

Veut-on vraiment conclure, alors que la parole est maintenant à la musique, à la poésie, aux chants d’oiseaux et à celui des sphères (célestes...) ?

Apprécions donc maintenant les « trajectoires » d’Olivier Messiaen, de ses « contemporains » et de ses « héritiers », de ses « couleurs » , ses « modalités » et sa « poésie ».

...Je sens que les oiseaux sont ivres

D’être parmi l’écume inconnue et les cieux

(Stéphane Mallarmé. Brise Marine)


Programme : Conjonctions - par Yves Krier

Bien entendu, l’ensemble des paramètres et des procédés d’écriture évoqués ci-dessus s’interpénètrent dans l’oeuvre d’Olivier Messiaen, comme chez tout compositeur normalement constitué. C’est même lorsque ces éléments sont particulièrement bien équilibrés que le compositeur a donné ses plus belles réussites.

Ce que nous souhaitons évoquer rapidement ici, ce sont plutôt les relations que l’on peut faire entre certaines données essentielles de la personnalité musicale de Messiaen, et qui en donnent elles-mêmes de nouvelles !

Par exemple, la relation Foi / Rythme nous amène naturellement à évoquer le chant grégorien, exemple sans cesse invoqué (à juste titre), que ce soit par Messiaen ou par d’autres compositeurs ou musicologues, pour la richesse rythmique quasi-infinie. En effet, le chant grégorien est caractéristique de cette liberté et cette variété (que l’on évoquait plus haut) des « longueurs de temps » et de leurs successions. Bien entendu, Olivier Messiaen n’est pas venu au chant grégorien de par son attachement à la foi catholique et aux rythmes, mais il était intéressant d’en indiquer ici la logique de pensée.

Si Messiaen appréciait par dessus tout le chant grégorien, s’il admirait le travail qu’avait effectué Charles Tournemire avec L’Orgue Mystique [1], il resta très prudent dans sa propre utilisation. Peut-être, plus que ses prédécesseurs ou son contemporain Jean Langlais[2], restait-il réservé devant une éventuelle « harmonisation » de ces lignes par essence monodiques. D’ailleurs, l’exploitation de lignes grégoriennes, réelles ou « réinventées » (ainsi par exemple l’un des 20 regards sur l’Enfant Jesus, Regard sur l’Esprit de Joie, est-il construit sur un « thème de danse orientale et plain-chantesque » d’une dynamique tout à fait étonnante) est souvent l’occasion pour le compositeur d’écrire une musique monodique – éventuellement en octaves. C’est le cas, en particulier, dans les Méditations sur le mystère de la Sainte Trinité [3], mais pas dans certains extraits de la Nativité [4], où les allusions grégoriennes sont intégrées à la polyphonie, tout en étant régulièrement transformées modalement.

La relation Poésie / Rythme nous emmène immédiatement à la Renaissance, et en particulier chez les poètes et musiciens de la Pléiade, qui renouèrent avec l’étude et l’exploitation des rythmes grecs (comme Olivier Messiaen...). Ce dernier avait, dans ce cadre, une admiration sans bornes pour Claude Le Jeune, qu’il cite souvent, et analyse longuement dans son Traité de rythme, de couleur, et d’ornithologie (somme de l’ensemble des théories et analyses du compositeur, parues en 7 tomes après sa mort). La liberté mais aussi la logique prosodique de Le Jeune a clairement eu une influence directe sur celle de Messiaen[5].

On peut s’amuser aussi à voir dans la conjonction Foi / Poésie / Oiseaux la fascination naturelle du compositeur pour Saint François d’Assise, dont la fermeté d’une foi simple et saine ne pouvait que convenir à Messiaen, mais aussi avec lequel il ne pouvait que se sentir en symbiose, le grand saint étant aussi poète (Cantique du soleil) et parlant aux oiseaux ! Comment s’étonner que l’oeuvre qui tint Messiaen pendant une dizaine d’années, son grand opéra, ait eu pour sujet Saint François d’Assise ? Autre lien intéressant avec sa jeunesse et ses maîtres : Charles Tournemire était lui aussi fasciné par le « petit pauvre d’Assise », auquel il consacra un grand oratorio (qui ne fut jamais ni édité ni créé !)[6].



[1] Voir plus haut : « Jeunesse, genèse », ainsi que concert 3. Olivier Messiaen a même consacré un article à cette oeuvre.

[2] Voir également au concert 3

[3] Concerts 3 et 5

[4] Concert 3

[5] Le titre de sa grande et très belle oeuvre pour 12 solistes vocaux, Cinq Rechants, porte les traces de cette admiration

[6] Charles TOURNEMIRE. Saint François d’Assise, pour soli, choeur et orchestre, op. 52. Composition de 1921 à 1927, en même temps que les deux autres volets d’une trilogie apparemment curieuse : Faust – Don Quichotte – Saint François d’Assise. Charles Tournemire consacra également un cycle d’orgue très poétique au saint : les Sei Fioretti, dont l’une des pièces est jouée au concert 5.

Programme : Les constantes du langage, ou les quatre « drames » de Messiaen - par Yves Krier

Dans un article assez peu connu de Messiaen[1], celui-ci indique comme des « drames » certaines composantes de son langage qu’il pense incommunicables aux auditeurs. Voici l’introduction de ce texte :

« Pendant toute ma vie de compositeur de musique, je me suis heurté à quatre difficultés, qui ont tellement augmenté avec le temps qu’elles sont devenues quatre drames. Ces difficultés, ces drames, ce sont : le rythme, la couleur, les oiseaux, la Foi.

La plupart des auditeurs de concerts confondent le rythme et les durées égales, ils ne peuvent donc pas suivre mes rythmes qui sont fondamentalement irréguliers. Lorsque j’entends des complexes de sons, je vois intellectuellement des complexes de couleurs correspondants. J’ai mis ces couleurs dans ma musique, mais les auditeurs ne voient rien du tout. J’ai noté, pendant plus de cinquante ans, une très grande quantité de chants d’oiseaux qui figurent dans presque toutes mes oeuvres. Les auditeurs, vivant dans les villes et n’ayant jamais entendu un chant d’oiseau, ne peuvent pas reconnaître ces chants, et une grande partie de ma musique leur échappe. Le quatrième drame est le plus terrible. Je suis croyant, chrétien et catholique, une grande partie de mes oeuvres est consacrée à la méditation des Mystères Divins et des Mystères du Christ. Les auditeurs, qui sont athées, ou simplement indifférents et inavertis des questions théologiques, ne comprennent rien à cet aspect de mes oeuvres ».

A la lecture de ces lignes, on ne peut que constater une certaine naïveté dans les propos : en effet, une des caractéristiques de la musique, de tous temps, est que ses fondements techniques sont incommunicables au profane, et même souvent aux auditeurs avertis, en tous cas à la première audition. Quel auditeur, même averti, peut tout de suite déceler la structure à l’audition d’une grande oeuvre de Brahms ou de Mahler, voire les richesses d’une grande fugue de Bach (sans parler de celle de Beethoven...) ? Combien de détails de composition ne sont effectivement décelables qu’à la lecture, même s’ils font évidemment partie de la réussite d’une oeuvre (et cela est particulièrement flagrant dans le cas de la musique du XXe siècle)? Est-il impossible d’apprécier un chant d’oiseau sans en connaître l’auteur ?

Mais, bien entendu, dans tous ces domaines, la connaissance améliore la compréhension, affine l’écoute, donne souvent plus de plaisir : c’est d’ailleurs le but avoué de cette plaquette ! Et donc, dans ce cadre, nous allons détailler quelque peu les particularités du langage de Messiaen, en partant des quatre « drames » énoncés ci-dessus.

3a. Le rythme.

Il est symbolique que cet homme d’une foi profonde ait évoqué pourtant, en premier lieu, le rythme comme difficulté à « communiquer » à l’auditeur. En effet, s’il est bien un point où Olivier Messiaen a bousculé beaucoup d’habitudes, théorisé, proposé, inventé, expérimenté, et surtout influencé la musique de son époque et future, c’est bien le rythme. De façon consciente ou non, directe ou par « rebondissements » successifs, une grande partie de la musique composée entre les années 50 à aujourd’hui doit une partie de sa rythmique aux recherches d’Olivier Messiaen (cette assertion ne se vérifie pas pour les autres caractéristiques de son langage, ou en tous cas pas de façon aussi large).

Essayons de faire comprendre ici, en quelques paragraphes (!) les aspects importants de ce paramètre chez Olivier Messiaen.

Lorsque le compositeur reproche à « la plupart des auditeurs de concerts » de confondre « le rythme et les durées égales », il entend par là qu’effectivement l’auditeur « non averti » tend à confondre rythme et pulsation. Ainsi, même la plupart des oeuvres de jazz, pour Messiaen, sont d’un rythme inintéressant voire inexistant, dans la mesure où la pulsation est uniforme, de même que les découpages de mesures[2].

Messiaen développe donc tout un arsenal rythmique, en partant, d’une part, de la souplesse de la rythmique poétique grecque ou celle du chant grégorien (cf. supra), en s’appuyant sur le travail du Stravinsky du Sacre du Printemps, et en exploitant les modes rythmiques hindous, d’une variété et d’une complexité sans commune mesure avec ce que connaît la musique occidentale « classique ». Il utilise systématiquement la « valeur ajoutée » , que l’on peut considérer comme l’une des « signatures » les plus évidentes de son style : il s’agit d’ajouter, à une structure rythmique donnée, une valeur plus courte que la « valeur de base », ce qui donne une sorte de déhanchement, d’alanguissement s’il s’agit d’une note tenue, de dynamique s’il s’agit d’une note véritablement ajoutée. Messiaen développa également les « rythmes non rétrogradables », qui sont aux rythmes ce que les palindromes sont aux mots : la possibilité de lire indifféremment dans un sens ou dans l’autre, avec le même résultat.

Ces concepts, qui peuvent sembler un peu obscurs à la lecture, s’éclairent très facilement avec quelques exemples musicaux, que nous nous permettrons donc de donner (page ci-contre).

Exemple 1. Carrure classique : 2 temps par mesure, structure de 8 mesures divisible en 2 périodes de 4, elles-mêmes faites de deux mini-sections de deux mesures...

Exemple 2. Chant grégorien : pas de pulsation unique, les « temps » peuvent être longs de 2 ou 3 valeurs (ou même parfois 1 ou 4, etc.), sachant que, de plus, il peut se trouver des allongements de ces valeurs (symbolisés par des traits)

Exemple 3. Moment caractéristique du Sacre du Printemps de Stravinsky : succession de mesures irrégulières.

Exemple 4. Exemples de valeurs ajoutées caractéristiques, extraits d’oeuvres jouées pendant les Estivales.

Exemple 5. Trois rythmes hindous parmi ceux que Messiaen préférait.

Exemple 6. Conjonction des trois, avec légères modifications, pour donner un « thème rythmique » que Messiaen utilise plusieurs fois dans sa vie, et en particulier dans Liturgie de Cristal, premier mouvement du Quatuor pour la Fin du Temps [3]

Exemple 7. Exemple de rythme non rétrogradable (il donne le même effet, lu de gauche à droite ou de droite à gauche)

Messiaen développa également le concept de « personnage rythmique », dans lequel des voix différentes se voient attribuer un rythme déterminé à l’avance, chacun de ces rythmes évoluant indépendamment (l’un augmentant ses valeurs, un autre les diminuant, un autre pouvant rester immobile, voir Exemple 8 : les nombres indiquent la valeur de chaque note en double-croches). Ce concept implique donc que le rythme n’est plus pensé seulement comme une façon de présenter la mélodie dans le temps, mais bien comme un paramètre indépendant que l’on peut développer comme tel. Ce qui allait amener Messiaen, au contact de ses élèves post-sériels, à proposer des constructions rythmiques époustouflantes qui allaient faire date[4].

C’est donc en effet tout un monde que Messiaen crée par sa rythmique, ce qu’il a également tenté avec ses recherches harmoniques, qui prennent donc l’aspect d’une recherche effrénée de couleurs.

3b. La couleur.

On croit souvent qu’Olivier Messiaen était atteint de synopsie, un dysfonctionnement des nerfs optique et auditif qui fait voir des couleurs lorsque l’on entend des sons. C’est en fait le peintre Charles Blanc-Gatti, qu’il rencontra au début des années 30, qui en était atteint. Messiaen indique bien dans la suite de l’article cité ci-dessus que lui-même ne voyait ces couleurs « qu’intellectuellement », mais sa rencontre avec le peintre fut déterminante pour sa conception des complexes de sons.

Nous passerons rapidement sur ce qu’il pense être un « drame » : que les auditeurs ne perçoivent pas ces couleurs, au sens strict du terme ! De là à considérer que seul un auditeur atteint de synopsie soit à même d’apprécier les couleurs de Messiaen, il ne semble n’y avoir qu’un petit pas que nul ne pourrait évidemment se permettre de franchir ! (et encore faudrait-il que cet auditeur soit également catholique romain pratiquant, fin rythmicien et ornithologue...bref, qu’il soit le clone d’Olivier Messiaen !).

Toute la construction des hauteurs dans l’oeuvre de Messiaen (sauf pendant sa – courte – période « sérielle ») est effectivement à considérer en termes de couleurs. Dans ce domaine des constructions harmoniques, Messiaen a aussi tenté de théoriser ou de classifier, mais il reste avant tout un intuitif. Par exemple, s’il a classifié l’ensemble des « modes à transposition limitées »[5], c’est essentiellement, de son point de vue, pour faire un rapport direct aux couleurs. Messiaen ne s’est pas directement intéressé aux modes hindous, pourtant extrêmement riches eux aussi, vraisemblablement parce qu’ils sont strictement mélodiques, et que sans doute le compositeur n’envisageait pas bien leur transcription en termes de couleurs.

Par contre, il développe volontiers une théorie de rapports entre, par exemple, les nuances d’une même couleur et l’octaviation des complexes sonores.

Il fait de même à propos de « renversements d’accords sur la même note de basse ». Ici, il n’est pas obligatoire que le lecteur comprenne précisément les données techniques pour apprécier les visions colorées du maître de La Trinité :

« [...] Etat fondamental sur mi : bandes verticales vertes, violettes, bleu foncé ; premier renversement : blanc et or ; deuxième renversement : large manteau bleu saphir intense, dans les plis, des reflets violet parme et bleu de Chartres ; troisième renversement : une spirale d’or à reflets bleus et roses, sur un grand fond rouge carmin »[6].

Ce rapport à la couleur est en soi peu exploitable par la grande majorité des compositeurs qui, s’ils ont une idée précise des « couleurs d’accords » qu’ils souhaitent utiliser (au sens de la sonorité, voire du timbre), ne « voient » pas, n’imaginent que peu des couleurs – au sens plastique –, voire réfutent totalement ce type d’analogie. Cependant, les conceptions d’Olivier Messiaen ont eu une importance indéniable sur bon nombre de musiciens, dans la mesure où, précisément, il considérait un complexe de sons, non comme un certain nombre de notes qui devaient « rentrer dans un système », mais comme étant chacun un nouveau timbre en soi (ce qui est acoustiquement tout à fait exact). Nous allons voir dans le paragraphe suivant comment, curieusement, nous retrouvons cette influence à propos des oiseaux.

3c. Les oiseaux.

L’une des caractéristiques les plus originales d’Olivier Messiaen sont son goût et ses connaissances ornithologiques. Si les premiers chants d’oiseaux, encore « libres » (au sens où le compositeur ne prétendaient pas à une transcription) semblent apparaître dans le Quatuor pour la fin du Temps (1940), ils deviennent assez présents dans une oeuvre comme la Turangalîlâ-Symphonie, et omniprésents, comme nous l’avons vu précédemment, dans les oeuvres des années 50. Qu’on en juge : Le Merle Noir (1952), Réveil des Oiseaux (1953), Oiseaux exotiques (1955), Catalogue d’oiseaux (français cette fois, 1956-58). Pour ce qui nous concerne, les chants d’oiseaux s’invitent également dans les oeuvres d’orgue (Verset pour la fête de la Dédicace [1960][7] et Méditations sur le Mystère de la Sainte Trinité [1969][8]). Plus tard, Messiaen convoquera ces « chanteurs exceptionnels » dans des proportions encore jamais atteintes, dans Le Prêche aux oiseaux (l’un des tableaux de Saint François d’Assise).

Cet envahissement de la musique de Messiaen par les vertébrés à plumes fait partie des critiques fréquentes émises à l’encontre de sa musique. Mais, au-delà de l’anecdote et des goûts ou des dégoûts, il est intéressant de se pencher quelques instants sur la façon dont le compositeur transcrivait ces chants, la « copie intégrale » n’étant guère possible, et sans doute pas très porteuse esthétiquement. Laissons la parole à Olivier Messiaen :

« Je note les chants d’oiseaux en dictée musicale [.. ;], dans la Nature et d’après nature. Il m’arrive aussi d’enregistrer les chants d’oiseaux au magnétophone, [...]. La notation faite d’après le magnétophone est généralement plus exacte, celle faite dans la nature est plus artistique[.. ;]. Il faut noter plusieurs fois un même oiseau, et mélanger toutes les notations, pour obtenir un oiseau idéal. Il faut ensuite rendre le timbre de l’oiseau. C’est possible par des combinaisons instrumentales [...] On peut encore rendre le timbre par l’harmonisation, en inventant des accords plus ou moins chargés en sons harmoniques, et en écrivant autant d’accords que de notes » [9].

C’est surtout la fin de cet extrait qui nous interpelle, en ce sens que Messiaen montre par là qu’il a utilisé très vite les complexes harmoniques, non pas pour leur valeur théorique (comme les compositeurs sériels par exemple), leur valeur uniquement coloriste (voir paragraphe précédent), mais bien comme des timbres à part entière, exactement comme on le ferait avec un synthétiseur ou un générateur. C’est ce que les musiciens du mouvement spectral, né au milieu des années 70, ont développé, en ne cachant pas ce qu’ils devaient à Messiaen[10]. L’apport des oiseaux dans la musique de Messiaen peut donc sembler plus fascinante par la technique qu’elle requiert et par la poésie des « transcriptions de paysages » que le compositeur effectue, que par l’anecdote animalière.

3d. La Foi.

Les convictions enracinées d’Olivier Messiaen sont bien connues, et il peut sembler difficile d’évoquer de façon un peu neuve un aspect aussi personnel et engagé de la personnalité du compositeur.

Néanmoins , ce « paramètre » [11] nous inspire trois types de remarques qui peuvent faire toucher du doigt l’unicité de la démarche du compositeur dans ce XXe siècle.

Constatons tout d’abord que, effectivement, une part très importante, primordiale, de ses oeuvres porte ce sceau de cette foi, y compris dans des cadres ne semblant pas forcément appropriés, comme la musique pour orchestre...ou l’opéra !

En effet, si l’on attend logiquement l’affirmation de cette foi dans les oeuvres d’orgue (n’oublions cependant pas que le Livre d’Orgue, lui, est essentiellement « conceptuel ») ou dans des oeuvres chorales (très peu nombreuses chez Messiaen... et l’un de ses chefs-d’oeuvre, les Cinq Rechants, est plutôt le chantre de l’amour humain !), on peut être frappé par le grand nombre d’oeuvres instrumentales qui portent le sceau de cette affirmation : son unique grande oeuvre de musique de chambre est donc le Quatuor pour la Fin du Temps, inspiré de l’Apocalypse, son premier grand cycle pour piano solo prend la forme des Vingt Regards sur l’Enfant-Jésus, parmi les grandes oeuvres des années 60 se trouvent Et expecto resurrectionem mortuorum et La Transfiguration de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et enfin, lorsque Messiaen honore la commande d’un opéra de Rolf Liebermann, là où de toute éternité les sujets ont été profanes ou mythologiques, il choisit de traiter la vie de Saint François d’Assise ! Echappent à cette liste, dans un premier temps les oeuvres portant le sceau de l’amour humain des années 30 et 40 : les deux cycles de mélodies – 1936-38 – dédiés à sa femme et à son fils (Poèmes pour Mi [12] et Chants de terre et de ciel, bien que ce dernier comporte une pièce pour la Résurrection), puis Harawi, Turanalîlâ-Symphonie et 5 Rechants , écrits entre 1946 et 1948. Ensuite viennent les deux oeuvres des années 50 qui voient les recherches formelles de Messiaen à leur paroxysme (Quatre études de rythme, pour piano – 1949-50 –, et Livre d’Orgue [13] – 1951 –) et enfin l’ensemble des oeuvres consacrées aux oiseaux (voir chapitre précédent).

Cet équilibre quasi parfait entre oeuvres engagées et oeuvres profanes nous amène à une deuxième remarque : Olivier Messiaen est l’un des très rares compositeurs du XXe siècle à avoir su (et pu) assumer un engagement au sein d’une oeuvre forte et totalement reconnue. Nous incluons bien entendu dans ce terme l’engagement politique qui, il faut bien le reconnaître, n’a pas toujours donné lieu à l’élaboration d’une oeuvre musicale forte, en dehors d’une personnalité comme Luigi Dallapiccola, par exemple. Nous insistons bien sur cette notion d’oeuvre d’une vie, les réussites ponctuelles dans le domaine de la musique engagée ou religieuse ne manquant évidemment pas. Et il faut reconnaître à l’organiste de la Trinité cette réussite quasi-unique qui, en dehors de ses talents immenses, trouve aussi sans doute ses prémisses dans sa force tranquille, sa modestie et une certaine forme de naïveté qu’il assumait totalement. Et cette réussite semble totalement intégrée à la réception de son oeuvre, y compris dans une époque de moins en moins religieuse.

Et c’est ce qui nous amène à notre troisième remarque, qui part de la réflexion de Messiaen (« une grande partie de mes oeuvres est consacrée à la méditation des Mystères Divins et des Mystères du Christ. Les auditeurs, qui sont athées, ou simplement indifférents et inavertis des questions théologiques, ne comprennent rien à cet aspect de mes oeuvres »). Dans la mesure où nous avons contesté la pertinence de « l’analyse de la perception » de Messiaen concernant ses recherches de rythme et de couleur, voire ornithologiques, ne peut-on pas néanmoins se poser légitimement la question de la réception profane d’une oeuvre pensée et conçue au travers de la fois chrétienne (catholique et romaine...) ? Serait-ce à dire que les grandes oeuvres religieuses de J.S. Bach seraient moins bien « appréciées » par le public mécréant que par le public croyant ? On nous objectera que l’universalité du style baroque et le génie du maître de Leipzig amoindrissent les différences de perception...

En conclusion, nous devrons peut-être considérer, comme nous l’évoquions au début de ce paragraphe, que l’engagement d’un artiste est aussi un paramètre de la perception : le public croyant apprécie « différemment » une oeuvre religieuse, de même qu’un auditeur averti entendra différemment une oeuvre par exemple complexe, ou inhabituelle. Mais il y aurait sans doute matière à développement sur les cas où un athée ou agnostique semble mieux apprécier une oeuvre religieuse qu’un convaincu, ou bien celui des mélomanes « de base » qui pensent apprécier la musique mieux qu’un professionnel, n’étant pas embarrassé de repères analytiques...



[1] Olivier MESSIAEN. « Obstacles », in 20eme siècle, Images de la Musique Française. Textes et entretiens réunis pas Jean-Pierre Derrien. Paris, SACEM-Editions Papiers, 1986, p.168.

[2] Précisions : nous laissons à O. Messiaen la responsabilité de sa pensée, que nous avons rendue plus souple en précisant « la plupart des oeuvres » ; en effet, un certain nombre de musiciens de jazz contemporains ont également une recherche rythmique qui les pousse vers une variété des découpes rythmiques. Par ailleurs, le travail de décalage des accents inhérent au jazz, y compris à l’intérieur d’une pulsation très régulière, est reconnue comme « pertinente » rythmiquement , au même titre par exemple que ce type de travail dans les musiques africaines, procédés que de nombreux compositeurs des quarante dernières années ont pu s’approprier, de S. Reich à G. Ligeti.

[3] Concert 5

[4] Quatre Etudes de rythme, pour piano, 1949-50, comprenant Modes de valeurs et d’intensité, qui eut tant de retentissement sur la jeune école sérielle, et en particulier sur Stockhausen.

[5] Nous ne nous étendrons pas ici sur les considérations techniques, beaucoup plus délicates à résumer et à faire comprendre dans le cadre limité de cette plaquette. Les « modes à transposition limitées sont donc des « gammes » dont le nombre de transpositions est inférieur à 12, contrairement, par exemple, aux modes mineur et majeur que nous connaissons, qui comportent des notes différentes à chaque fois que l’on change la tonique, donc sur les 12 notes possibles entre do et si.

[6] Olivier MESSIAEN. « Obstacles », in 20eme siècle, Images de la Musique Française, op. cit. p.170

[7] Concert 2

[8] en particulier dans la Méditation 2 : La Sainteté de Jésus Christ, concert 5

[9] Olivier MESSIAEN. « Obstacles », in 20eme siècle, Images de la Musique Française, op. cit. p.171

[10] En ce sens, ces compositeurs, en particulier Gérard Grisey et Tristan Murail, auraient eu droit de cité pendant ce festival. Leur absence vient autant du fait qu’ils n’ont pas écrit pour orgue que des combinaisons de leur musique instrumentales, qui excèdent pour la plupart celles qui sont présentées lors de ces Estivales.

[11] Nous nous permettons volontairement ce léger abus de langage, sur un mot que l’on affecte généralement, en musique, à la hauteur, au rythme au timbre et à la dynamique.

[12] Concert 5

[13] dont une Pièce en Trio est jouée au concert 5

Programme : Jeunesse, genèse. Maîtres et condisciples - par Yves Krier

Toute l’enfance de Messiaen est baignée de culture et de poésie, ainsi que de cette foi inaltérable, forte et elle aussi cultivée, dont le compositeur disait qu’il « était né avec ». Cet ensemble, lié à des dons constamment développés grâce à l’appui des parents, est un bon terreau pour comprendre la puissante personnalité de l’organiste de la Trinité.

Si la poésie est présente pendant même la gestation du futur bébé Olivier, à travers la composition par Cécile Sauvage de L’âme en bourgeon, elle continua a être présente, tant dans la famille que dans la vie du compositeur. En effet, son frère Alain fut également poète, son père, comme nous l’avons vu, a passé une partie de sa vie à traduire Shakespeare[1], et Olivier Messiaen lui-même, non seulement a développé un langage littéraire non dénué de charme ou de force poétique (en particulier quand il « commente » ses oeuvres religieuses) mais surtout a écrit la plupart des textes qu’il a mis en musique (y compris ceux de son opéra !). Il est également amusant de constater que, lorsqu’il fit le discours d’intronisation de Iannis Xenakis à l’Institut, il détourna Tombeau d’Edgar Poe, de Stéphane Mallarmé, pour tourner une partie de son « compliment ».

Plusieurs fois au long de sa vie, Olivier Messiaen tenta de faire rééditer les poèmes de sa mère, et il mit du temps à obtenir gain de cause. Un fait peu connu de sa biographie réside dans l’enregistrement d’improvisations sur des poèmes de Cécile Sauvage : il semble qu’effectivement le disque soit resté assez confidentiel[2]. Et, sans doute par pudeur, n’utilisera-t-il que quelques mots de sa mère, pour l’une des Mélodies composées en 1930 [3].

Si la culture musicale de Messiaen était immense, et donc ses références également, il est intéressant de se pencher sur les personnalités musicales du XXe siècle desquelles il se sent proche, en particulier en tant qu’organiste[4]. Ainsi, lorsque Claude Samuel, dans ses entretiens de 1967[5], lui demande quelles sont à son avis les personnalités les plus marquantes de l’école française d’orgue du XXe siècle, Messiaen, une fois l’hommage au virtuose Marcel Dupré effectué, cite chaleureusement Jehan Alain et Charles Tournemire. Du premier, plus jeune de trois ans, et qu’il n’a rencontré qu’une fois (lors d’un concert où chacun jouait ses compositions) il constate : « Sans nous connaître vraiment, nous avons suivi à peu près les mêmes voies ». Cette affirmation peut surprendre quand on connaît les oeuvres des deux compositeurs, mais elle est en fait tout à fait vraie sur le fond : outre que tous les deux avaient la « foi du charbonnier » et ruaient dans les brancards de l’ « établi », tous les deux étaient conscients des immenses potentialités rythmiques que recelaient le chant grégorien...et les musiques extra-européennes (Jehan Alain était également féru de culture hindoue). Si les esthétiques des deux musiciens diffèrent nettement, cela n’empêche pas des points de départ et de réflexion concordants. D’autres éléments les rapprochent, comme cette liberté harmonique qui fait cohabiter accords classiques (comme ces successions d’accords parfaits de différentes tonalités que l’on trouve fréquemment chez Jehan Alain[6], et également, par exemple, dans l’ Apparition de l’Eglise éternelle[7] de Messiaen), avec des éléments de modalité, et des dissonances très recherchées.

En ce qui concerne Tournemire, les rapports sont différents. Tout d’abord, Charles Tournemire (1870 -1939) est largement d’une génération précédant celle de Messiaen, et donc, dans l’esprit de celui-ci, plus un maître qu’un disciple. Ensuite, les deux hommes se sont connus et appréciés, Tournemire étant l’une des personnalités ayant oeuvré pour que Messiaen devienne titulaire de l’orgue de la Trinité après le décès du précédent organiste. Par ailleurs, Messiaen ne pouvait qu’être frappé (et sans doute influencé) par les nouveautés mises en oeuvre par Tournemire, grand coloriste de l’orgue lui aussi, et surtout auteur d’une « somme » musicale écrite pour orgue à partir des thèmes grégoriens de toute l’année liturgique : L’orgue Mystique[8]

En 1936, Messiaen, après avoir rencontré André Jolivet[9], dont il admirait les oeuvres, fonde avec lui et deux autres compositeurs, Daniel-Lesur[10] et Yves Baudrier, le groupe Jeune France. Comme beaucoup d’autres « groupements » de compositeurs, celui-ci était uni par la camaraderie et quelques idées communes (retour à un humanisme musical, rejet du néo-classicisme), mais guère par l’esthétique. Quelques concerts, dans lesquels le groupe ne se contentait pas de jouer les oeuvres des membres, mais aussi d’autres créations, eurent un retentissement réel dans la vie musicale d’avant-guerre.

Et, comme souvent dans le cas de ces groupements de compositeurs, la postérité n’en a retenu qu’une partie (en l’occurrence Messiaen et Jolivet), pour n’envisager un autre que marginalement (Daniel-Lesur) et oublier le dernier...



[1] Il est également l’auteur, à côté d’essais sur Villon et le théâtre élisabéthain, d’un livre de souvenirs et réflexions, Images, écrit de 1940 à 1942. Ce livre est plein d’enseignements sur la personnalité de ce père, très fortement marqué par la religion catholique et le patriotisme, et qui, en plus de trois cents pages, ne fait que des allusions extrêmement rares et courtes sur ses fils !

[2] Les Estivales renouent donc avec cet aspect original de la création poético-musicale, avec le concert n°4, consacré à des improvisations autour des poèmes de Gilles Baudry.

[3] Daniel-Lesur, l’un de ses condisciples du groupe Jeune France, écrivit, lui, une très belle mélodie sur un poème de Cécile Sauvage (jouée au concert 5)

[4] Est-il besoin de préciser qu’Olivier Messiaen avait une grande admiration pour Debussy et Stravinsky ?

[5] Claude SAMUEL. Entretiens avec Olivier Messiaen. Paris, Belfond, 1967, p.143

[6] Par exemple Première Fantaisie, concert 1

[7] Concert 6

[8] Nombreuses pièces au concert 3. Autres oeuvres de Tournemire aux concerts 5 et 6.

[9] Concert 1

[10] Concert 5